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Le Testament

Quand mon père est mort, je n’ai pas pleuré !

J’étais passé le voir quelques jours plus tôt et je savais en lui disant au revoir, que je ne le reverrai pas sourire, comme chaque fois qu’il me voyait arriver.
Je ne l’ai jamais bien connu car il nous parlait peu, même s’il s’intéressait toujours à ce que nous faisions, nous interrogeait sur notre travail, nos enfants, nous quittait toujours avec un encouragement et le mot qui fait plaisir.
C’était comme ça !

Peut-être que cela venait de ses difficiles années de pension, de par la discipline imposée, et de l’interdiction de parler sous peine de rester quand tout le monde partait en vacances. Peut-être était-ce les années de guerre et son passage dans un camp , qui l’avait rendu philosophe et l’enfermait souvent dans ses pensées ? je ne sais pas, c’est son secret !

A son enterrement l’église était noire de monde, toute la ville le connaissait , c’était le médecin de tous, celui qui soignait toutes les maladies, et écoutait tous les malheurs, tous les jours et toutes les nuits que Dieu a fait, il répondait présent.
Il était épuisé mais heureux !

Quand on s’est retrouvé devant le notaire avec mes 3 frères et sœur, c’était un mercredi de pluie, aussi triste que la mort.
Nous étions là assis, un peu inquiets, pour la lecture de ses dernières volontés.

Mon père avait quelques biens, une jolie maison avec un jardin qu’il affectionnait particulièrement et dans lequel il passait tous ses temps libres à lire, jardiner et se vider la tête. Il avait aussi un petit portefeuille d’actions, hérité de son père, auquel il n’avait jamais touché, et qui n’intéressait que son banquier qui le pressait sans cesse d’acheter , de vendre, de prendre ses plus values. « Pourquoi faire » disait mon père !

Mais même quand on a peu, les familles peuvent déjà largement se déchirer disait il. Aussi, il nous demandait de tout vendre et de se partager le capital par parts égales afin d’éviter les écueils des transmissions.

Et puis il y avait une enveloppe pour chacun, « à n’ouvrir qu’à l’abri des regards, dans le calme et la sérénité de votre endroit préféré »

C’est ainsi que dès la sortie de l’étude de Me Brossac, je montais dans ma voiture et filait vers le cotentin, retrouver le lieu où maintes fois je suis venu marcher, réfléchir, et me ressourcer.

La lettre pour tout bagage, je réservais une chambre dans l’hôtel où j’avais mes habitudes et filait directement au milieu des roches et landes de genêts, dominants la mer, l’enveloppe serrée entre mes doigts !
Je la décachetais doucement et me demandais ce qu’avait pu penser mon père en la fermant : « quand ils l’ouvriront, je serai mort ! »

Il y avait deux feuilles écrites de sa main et datées de quelques mois avant sa disparition.
J’en commençais ma lecture, tremblant :

« Mon cher fils,

Nous ne nous sommes jamais beaucoup parlé . Je suis comme cela. J’ai souhaité te laisser un message, c’ est à mes yeux le plus important.
C’est celui que m’a laissé mon père quand il s’en est allé .

Je veux te donner mon secret de vie, celui qui m’a porté pendant toutes mes années, chaque fois que je regardais votre mère, et dans chacun des moments qui nous voyaient réunis.

Pour être heureux, il faut avant tout que tu saches bien ce que tu as déjà : ta famille, tes enfants, tes amours, tes amis, ta maison, ton travail et tout ce qui t’apporte certes parfois quelques soucis, mais ô combien de joies et de plaisir, et que l’on ne mesure jamais assez.
C’est ton trésor , ta force, ton chemin, la pierre sur laquelle tu construits ta vie. Il faut en prendre bien soin et les cultiver comme ce que tu as de plus précieux.
Et puis tu te demanderas ce que pour toi « être heureux » veut dire vraiment ! ce n’est pas facile de répondre à cette question, il faut prendre son temps !

Pour t’aider à cheminer tes pensées, je te confie ce que mon père m’avait lui même transmis , et que tu pourras toi aussi, laisser à tes enfants si tu le veux.
Ce texte d’un inconnu, est je crois source de nombreuses réponses à nos vies
Je te veux heureux
Ton père qui t’aime »

Je respirais à plein l’air iodé et me plongeais sans attendre dans le texte joint :

« Mes enfants,

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte, et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.

Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toute personne.

Dites doucement et clairement votre vérité, et écoutez les autres, même le simple d’esprit et l’ignorant. Ils ont eux aussi leur histoire. Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l’esprit.

Ne vous comparez à personne , vous risqueriez de devenir vaniteux. Il y a toujours plus grand et plus petit que vous.

Soyez toujours intéressés à votre carrière, si modeste soit-elle et soyez prudents dans vos affaires car le monde est plein de fourberies.

Soyez vous mêmes. Surtout n’affectez pas l’amitié.

Prenez avec attention le conseil des années en renonçant avec sérénité à votre jeunesse.

Fortifiez vous une puissance d’esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain.

Soyez en paix avec Dieu quelque-soit votre conception de lui !

Malgré toutes ses perfidies, ses besognes et ses rêves brisés, le monde est beau.

Soyez positifs et attentifs aux autres !

Forts de tout cela, soyez tout simplement heureux. »

Je remontais doucement vers la voiture, les yeux un peu embués de larmes.

Les plus beaux cadeaux ne sont décidemment pas toujours ceux que l’on croit !

Kolar
Septembre 2010

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